La chapelle Saint Vincent
On ne connaît pas exactement la date d'apparition de Villepreux. Mais s'il est un endroit pour lequel on retrouve des traces anciennes, c'est bien cette chapelle, ou plus précisément ceux qui l"édifièrent. Au 9ème siècle, un échange de terres entre les abbayes de Saint Maur des Fossés et de Saint Germain des Prés (elles n'avaient pas encore ces noms à la date de l'échange) fut l'occasion d'une charte (diplôme ou contrat) contresignée très exactement le 18 décembre 856, par Charles, dit le Chauve, petit fils de Charlemagne, empereur d'Occident, premier roi de Francie. Plus ancien encore : comme le précise le travail de Françoise Lescaudron, on découvrit en 1897 un cimetière mérovingien, certes profané, mais présentant encore des vestiges au moment de la découverte, tels une monnaie du IVème siècle... en haut de la pépinière de l'Ecole d'Horticulture (aujourd'hui CEFP), quelques dizaines de mètres en-dessous du nouveau cimetière de la côte de Paris. On en trouvera d'autres sur les Clayes, à proximité de Valjoyeux.
Localisation de la chapelle saint Vincent
Ayant trop rapidement interprêté le cadastre napoléonnien, l'erreur fut de localiser cette chapelle proche de la "porte saint Vincent", au nord, en dehors du Domaine, donc dans le Grand Parc. Arnold de Saint Seine adopta cette même vision des choses. Or, l'inventaire du Ministère de la Culture - appuyé sur le cadastre officiel - situe effectivement la chapelle hors du Domaine, mais de l'autre côté du chemin de Grand'Maisons, en continuité du Clos Poullain : ce qui accréditerait la version qui voyait la ferme initiale sur les fondations de la Léproserie. Par ailleurs, les archéologues savent qu'une source entraîne quasi-automatiquement la création d'une chapelle ; or la source captée par le fermier Barbé pour alimenter le Clos Poullain à l'aide de canalisations en plomb se trouvait bien évidemment de ce côté est du chemin...
à l'extérieur du mur du Grand Parc, après la courbe du chemin : surplombant ce muret de pierres :
au pied de la pente, cet entonnoir dans le sol : il se poursuit par une tranchée qui court jusqu'au mur, en direction du Domaine. L'emplacement de la capture de la source par Barbé?
Dés le début du chemin figurant sur le plan ci-avant, un tumulus :
certes, les anciennes tomettes dégagées ci-dessous font partie de gravats ramenés récemment de la Ferme (remise au nord du château)
mais certains alignements pierreux semblent ne pas avoir été l'objet de dépôts, et pourraient suggérer des fondations parallèles... A approfondir, car le bâtiment concerné serait exactement orienté vers l'est ...
Les articles du Ministère de la Culture étant soumis à autorisation préalable, vous trouverez ci-dessous l'adresse du site où vous documenter :
http://www.culture.gouv.fr/documentation/memoire/HTML/IVR11/IA00060880/index.htm
Un aparté : le surnom de "Chauve" attribué à ce premier roi de Francie, ne se moque pas d'une quelconque calvitie. Le jour de la consécration d'une abbatiale de Compiègne, il se fit tonsurer en signe de soumission à l'Eglise... contrairement à la coutume qui voulait que le roi conservât les cheveux longs.
Ainsi cette chapelle serait l'oeuvre de moines qui l'auraient consacrée au nom de leur saint patron, Saint Vincent.
Discussions sur la chapelle Saint Vincent
Ancien moine de l’Abbaye Saint Symphorien d’Autun (en Saône et Loire), l’Evêque de Paris Germain consacre en 558 une basilique, construite à l’écart sur la rive gauche de la Seine par Childebert 1er (fils de Clovis) et voulue par lui pour y déposer la tunique de Saint Vincent un moine martyrisé à Saragosse en 304 ainsi qu’une croix en or et divers bijoux raflés aux Wisigoths par Childebert à Tolède, le tout ayant été ramené en 543. Un monastère sera construit à côté de la basilique au VI ème.
Childebert, Chilpéric, Frédégonde et Clotaire ont leurs tombeaux dans le chœur de la basilique Saint Germain, car la basilique Saint Denis – où le corps de Saint Denis sera transféré en 630 - ne sera nécropole royale que sous Hugues Capet. Germain, lui, fut enterré en 596 dans la chapelle Saint Symphorien, à côté de sa basilique.
Germain avait dédié cette basilique au double patronage : Saint Vincent – Sainte Croix. Et au VII ème, on associa pour la première fois le nom de Saint Germain à celui de Saint Vincent.
Géographiquement isolée sur le Petit Pré aux Clercs, elle deviendra Saint Germain « des Prés » en 756, lorsque le corps de Saint Germain sera ramené de la chapelle Saint Symphorien à la Basilique.
Ce même Evêque Germain avait édifié à Corbeil à la fin du VI ème siècle, donc à la même époque, un lieu de culte dédié au même Saint Vincent, martyr espagnol.
Il ne serait donc pas déraisonnable que notre chapelle Saint Vincent, antérieur à la Maladrerie, au Clos Poullain, et donc à Grand’Maisons, datât de ce VI ème. Pourquoi ?
1.Villepreux faisait partie du Diocèse de Paris (Saint Germain en était Evêque)
2. La chapelle fut dédiée à Saint Vincent, comme celle de Corbeil (Saint Germain avait édifié sa basilique pour y vénérer saint Vincent)
3. Charles le Chauve une Charte stipulant que des terres appartenant chez nous à l’Abbaye de Saint Maur étaient échangées contre des terres équivalentes de l’est de Paris appartenant à l’Abbaye de Saint Maur. Or Saint Germain des Prés était la maison-mère de Saint Maur : quelle que fut donc l’Abbaye détentrice des terres de Villepreux, elle l’était avant le fameux échange. Notre chapelle serait donc elle aussi antérieure.
Cependant, Madame Simone Loth-Château nous apprend que Saint Denis se vit offrir Villepreux par Pépin le Bref en 768. Or l’âpre concurrence entre Saint Denis (construite en 630) et Saint Germain (en 558) peut expliquer l’implantation de chapelles, comme des étendards d’appartenance. Or aucune trace ne semble subsister de l’Abbaye de Saint Denis à Villepreux :
Remarques :
1. Il subsiste un doute quant à la date de cette Charte. Françoise Lescaudron pense que la Charte fut signée en 846 par Hilduin 1er (pour Saint Germain) et Esnard (pour Saint Maur). Amédée Brocard, Henri Lemoine, Robert Gauthier et Auguste Halley situent l’événement en 856. Or Hilduin fut à la tête de l’Abbaye de Saint Germain de 829 à 843 : il ne pouvait donc plus être co-signataire en 846. Quelle que soit la date de cette Charte, il est signifié qu’elle « ratifiait » un accord passé entre Hilduin et Esnard. Finalement, selon Simone Loth-Château, il faudrait dater cet échange de terres en 836 : la ratification fut ultérieure.
2. Dernière remarque, l’Abbaye de Saint Maur répondait à cette date au vocable de « Saint Pierre des Fossés » depuis sa fondation en 639. Elle ne fut réellement Saint Maur des Fossés (probablement Saint Maurice des Fossés) qu’après 868, date du transfert en l’Abbaye du corps de ce Saint, sur la demande de Chrles le Chauve.
Françoise Lescaudron nous rappelle avec raison que les Bénédictins ont toujours défriché et cultivé les terres qui leur revenaient; elle pense qu'ils ont été les premiers exploitants du Val de Gally. .
Laissons le dernier mot à l'Abbé Lebeuf, lequel ne doute pas que les Religieux de Saint Germain des Prés qui se recommandaient aussi de Saint Vincent, aient voulu laisser un Oratoire sur le terrain récemment échangé avec celui de l'Abbaye de Saint Maur, comme témoin de leur possession. L'Abbé Lebeuf cite un texte de "provisions" de la fin du XVème, où la chapelle est expressément nommée "Capella Sancti Vincentii in domo Leprosorum". (intégrée à une léproserie)
Henri Lemoine nous révèle qu'elle aurait été démolie en 1733, sur la demande du curé de Chaville qui la possédait... et contre l'avis de six habitants consultés sur le bien fondé de cette demande de démolition.. Or, notre chapelle sera encore sur pieds en 1790, date à laquelle ses mobiliers et objets de culte furent vendus à Versailles , et en 1791 elle sera elle-même vendue au célèbre spéculateur de biens nationaux, le notaire versaillais Ricbourg. Preuve à l'appui, elle figure toujours sur les plans cadastraux de Napoléon, en 1818. Avait-elle été restaurée, rafistolée, consolidée?